Jessica, éducatrice spécialisée en France
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@laconsciencesociale
Diplôme(s) en travail social et pays d’étude
Diplôme d’État d’Éducateur Spécialisé (DEES – France)
Pays où tu exerces
France
Structure ou établissement dans lesquels tu travailles
Je suis actuellement en Congé parental mais j’étais dernièrement en poste dans une Section d’Adaptation Spécialisée (SAS)
Titre d’emploi actuel
Éducatrice spécialisée
Public que tu accompagnes / auprès de qui tu offres tes services en travail social
Adultes en situation de handicap mental et/ou psychique
Bonus lecture internationale
Je me rends souvent sur le site CAIRN qui contient énormément de ressources (livres et revues dans le domaine des sciences humaines). Il y a aussi les revues Lien Social et les ASH, spécialisées dans le social.
Si je devais conseiller un ouvrage, ce serait « éduquer sans entraver : déconstruire les violences ordinaires » de Célia Carpaye. Dernièrement, j’ai aussi lu « une vie d’éducatrice spécialisée – questionner le sens » de Christine Racinoux et Jacques Marpeau qui illustre avec justesse ce qui constitue l’essence même du métier d’éducateur.ice spécialisé.e.
Selon toi, quelles sont les problématiques sociales les plus prédominantes dans ton pays ?
Les problématiques sociales sont nombreuses et j’ai du mal à en définir quelques-unes comme prenant le pas sur les autres, car, d’une part, je ne suis pas en capacité d’avoir une vision suffisamment globale et objective et, d’autre part, je ne pense pas que certaines mériteraient d’être davantage évoquées que d’autres. Néanmoins, j’aimerais pointer la fracture sociale qui s’avère, à mes yeux, de plus en plus flagrante. Au-delà du fonctionnement même de notre système actuel, la crise sanitaire est venue mettre en exergue voire accentuer les inégalités et discriminations à l’égard de certaines tranches de population.
Selon toi, en quoi le travail social a sa place dans ton pays ?
J’ai lu un livre dernièrement (« Debout pour nos métiers du travail social ») qui explique en quoi il apparait aujourd’hui plus que nécessaire de se mobiliser pour l’avenir du travail social. Il retrace entre autres l’historique de notre secteur en France à travers l’émergence des différents métiers le constituant et plaide en faveur du maintien de leurs spécificités.
Pour moi, le travail social est essentiel dans le sens où il tend à œuvrer en faveur du mieux-vivre ensemble et de la cohésion sociale. Parce qu’il vise à considérer ceux qui ont tendance à être invisibilisés, parce qu’il s’intéresse à ce qui vient générer violence et rejet, parce qu’il contribue à mettre en mouvement par le biais d’initiatives et de projets fédérateurs. Je crois fort en ses capacités émancipatrices.
À l’heure actuelle, pourquoi choisir cette profession ?
Nous sommes en pleine crise du travail social en France. Notre secteur est clairement maltraité par les orientations politiques qui s’y immiscent. J’ai moi-même fini par perdre le sens de mon travail et je sais que beaucoup s’y épuisent. C’est pourquoi répondre à cette question m’est difficile. Je ne veux pas contribuer à maintenir l’illusion de métiers au sein desquels on s’épanouirait toujours pleinement.
Je continue malgré tout à croire que ça peut valoir le coup de choisir de s’engager dans ce secteur pour tenter de participer à un changement de paradigme. Choisir un métier du social c’est quelque part croire en une possibilité de transformation et d’amélioration du monde dans lequel on évolue.
Si je me concentre sur le métier d’éducateur.ice spécialisé.e, en le considérant toujours par le prisme de son approche clinique basée sur la relation à l’Autre, je dirai que s’orienter vers celui-ci c’est faire le choix de considérer l’Autre dans toutes ses dimensions et contribuer à préserver voire lui redonner sa dignité. C’est un métier riche humainement parlant dans lequel on ne cesse de découvrir, d’apprendre et d’approfondir.
Selon toi, quel serait l’avenir idéal du (travail) social dans ton pays ?
L’idéal serait qu’il soit reconnu à sa juste valeur, qu’il cesse d’être relégué au dernier plan, qu’on lui accorde une place centrale. Cela reviendrait à (re)mettre l’humain au cœur de nos préoccupations sociétales. J’aimerais que les travailleurs sociaux se voient attribuer les moyens de leurs ambitions, que le monde croit en notre raison d’être.
Plus concrètement, je souhaite que les logiques capitalistes ne soient plus ce qui guide nos pratiques et qu’on puisse à nouveau prendre le temps de venir à la rencontre de l’Autre, de l’accueillir, de l’écouter. J’aimerais qu’on puisse se laisser la possibilité de se décentrer pour pouvoir se comprendre mutuellement et cocréer. Cela impliquerait de revoir les attentes et exigences institutionnelles mues par les directives des organismes de tutelle et de financement (lesquelles découlent des orientations politiques).
Que souhaites tu partager pour le mois du travail social 2022 ?
Je souhaite exprimer mon soutien à tou.te.s les travailleurs.ses sociaux.les, que vous soyez perdus.e., désenchanté.e.s, épuisé.e.s ou au contraire épanoui.e.s, boosté.e.s à fond et plein.e d’envie!
J’aimerais aussi dire à tous.tes celleux qui œuvrent dans le sens d’une approche éthique de l’éducation spécialisée (et du travail social en général) que, oui, la tâche peut parfois paraitre bien ardue, oui, le découragement et la colère peuvent quelquefois nous gagner, mais je suis convaincue que tout cela n’est pas vain. On est ensemble!