Assistante sociale anonyme de Belgique
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@Assistante sociale anonyme
Diplôme(s) en travail social et pays d’étude
Bachelier en Assistante Sociale – Belgique
Pays où tu exerces
Belgique
Structure ou établissement dans lesquels tu travailles
Centre d’hébergement pour mineurs en danger
Titre d’emploi actuel
Assistante sociale
Public que tu accompagnes / auprès de qui tu offres tes services en travail social
Des jeunes garçons placés de 7 à 17 ans ainsi que leurs familles (souvent très précarisées et qui font face à une multitude de problématiques variées).
Selon toi, quelles sont les problématiques sociales les plus prédominantes dans ton pays ?
En Belgique, il existe un fossé important entre les conditions de vie et l’accès aux droits fondamentaux des personnes les plus aisées et les plus précaires. Malheureusement, ce fossé se traduit et se retrouve dans de nombreux domaines : la scolarité, l’accès à un logement décent et abordable, l’accès aux soins de santé, la sécurité et le bien-être dans le quartier, l’accès à un travail décent, la rémunération, les activités de loisirs…
De plus, on observe une corrélation importante entre la précarité et la nationalité, la religion, le niveau universitaire des parents, les familles monoparentales etc. Toute personne ne nait donc pas égale en Belgique. Malheureusement la discrimination persiste à de nombreux niveaux et des dysfonctionnements structurels font que certaines personnes n’auront jamais accès aux mêmes opportunités et conditions de vie que d’autres.
Selon toi, en quoi le travail social a sa place dans ton pays ?
Le travail social est donc nécessaire en Belgique pour venir combler les manquements de notre système. Malgré que la Belgique ait ratifié la convention des droits de l’homme, dans les faits, de nombreux droits fondamentaux ne sont pas respectés pour tous (droit à un logement décent, à un travail, à des soins de santé…). Les travailleurs sociaux ont donc, pour moi, une double fonction très importante :
- Combler les manques du système en facilitant l’accès aux droits fondamentaux des personnes qui sont en difficulté et les accompagner pour améliorer leur situation
- Faire évoluer le système en faisant remonter les observations du terrain aux politiques
À l’heure actuelle, pourquoi choisir cette profession ?
J’entends souvent mon entourage se questionner face aux multiples crises d’aujourd’hui (sociales, écologiques, politiques) : comment faire pour agir et changer les choses? Pour moi, le travail social est un des rares métiers qui permet d’avoir un réel impact, même si c’est à petite échelle. Certes, on ne change pas le monde, mais on améliore quelque peu la vie des gens qui subissent en premier lieu toutes ces crises. On me dit souvent qu’avec mes convictions je pourrais travailler en politique ou dans une organisation qui a un pouvoir décisionnel. Mais pour moi, avant de me sentir légitime de décider de mesures qui auront un impact important dans la vie des gens, je dois d’abord comprendre réellement ce dont ces personnes ont besoin et comment ils se retrouvent dans de telles difficultés. Et même si les belles histoires sont plutôt rares dans ce métier, on apprend à apprécier les petites victoires, et surtout on sort de notre bulle de confort et on devient conscient de différentes réalités.
Selon toi, quel serait l’avenir idéal du (travail) social dans ton pays ?
Malheureusement le métier d’assistant.e social.e est bien trop peu valorisé en Belgique. Les salaires sont bas, les conditions de travail sont difficiles et je trouve que nous ne sommes pas du tout appréciés à notre juste valeur. Il est grand temps que ce métier soit revalorisé, en commençant par une hausse des conditions salariales afin d’attirer plus de personnes motivées et engagées vers ce métier. De plus, j’espère qu’on commencera à accorder plus d’importance politique aux affaires sociales, et surtout d’y accorder beaucoup plus de budget. Aujourd’hui on bricole comme on peut avec les budgets qui nous sont accordés, mais pour faire correctement notre boulot on aurait besoin de beaucoup plus de moyens. Je suis convaincue que cela finirait par coûter moins cher à la société, car en recevant les moyens nécessaires pour faire notre travail, on pourrait faire baisser le taux de chômage, de troubles psychiques, de placement d’enfants, les frais des soins de santé…
Je souhaite aussi qu’on nous donne une place plus importante dans le débat public et les médias, et qu’on soit enfin entendus par les politiques lorsqu’ils prennent des décisions qui concernent directement les publics avec lesquels nous travaillons.
Que souhaites tu partager pour le mois du travail social 2022 ?
Kevin, placé par le tribunal de la jeunesse depuis deux ans, pourrait enfin rentrer en famille cet été. En effet, grâce aux efforts de ses parents, la situation s’est fort améliorée: ils ont réussi à stabiliser leur situation en terme d’emploi et sont suivis de près pour leurs troubles de santé mentale. Seulement, après une visite à domicile, le juge s’est rendu compte que les parents vivent dans un studio insalubre, sans chauffage ni eau chaude. Dans ces conditions, le retour de Kevin n’est pas envisageable. Les parents, qui touchent le salaire minimum, sont inscrits sur les listes d’attentes de logement sociaux, mais le temps d’attente est de 10 ans en moyenne. Et leurs revenus ne leur permettent pas de trouver un logement décent sur le marché privé.
Cette situation honteuse est malheureusement celle de centaines de familles chaque année. Les enfants ne subissent ici non plus de la maltraitance familiale, mais plutôt de la maltraitance institutionnelle. L’état, qui est pourtant censé protéger ces enfants, contribue à cette maltraitance en ne régulant pas le prix des loyers et en n’investissant pas d’avantage dans les logements sociaux.
Nous pouvons croire que l’aide à la jeunesse est une affaire de difficultés propres aux familles, dont les parents sont directement responsables. Mais l’histoire du petit Kevin n’en est qu’une parmi des milliers. De nombreuses problématiques, qui mènent à des placements d’enfants, ont des causes structurelles.
En tant que travailleur.euse.s sociaux.ales, n’avons-nous pas un rôle fondamental pour faire bouger les choses pour rendre le système plus inclusif et socialement juste?